Sur les routes nippones, les voitures américaines sont rares. Un contraste saisissant avec la domination des marques locales, et une source de frustration pour Donald Trump, qui accuse Tokyo de pratiques commerciales déloyales.
Toyota, géant japonais de l’automobile, règne en maître sur le marché américain avec 2,3 millions de véhicules vendus l’an dernier. Pendant ce temps, General Motors, figure de proue de l’industrie automobile américaine, peine à écouler quelques centaines de Chevrolet et de Cadillac au Japon. Ford, quant à lui, a jeté l’éponge il y a près de dix ans, face à un marché réputé impitoyable. Pourtant, les Japonais ne sont pas réfractaires aux marques étrangères : en 2024, Mercedes-Benz et BMW ont chacun séduit plus de 50 000 automobilistes nippons. Le charme désuet des classiques américains face aux réalités du quotidien
Yosuke Fukuda, concessionnaire de voitures américaines anciennes, expose fièrement ses Chevrolet Nova et Buick Roadmaster rutilantes au milieu des rizières verdoyantes au nord de Tokyo. Un îlot d’Amérique bercé par le hip-hop californien. S’il reconnaît une certaine fascination pour ces icônes du passé, l’intérêt pour les modèles neufs est beaucoup moins palpable. « Les Japonais ont une confiance naturelle dans les marques nationales », confie-t-il.
Au-delà de ces affinités culturelles, des facteurs plus pragmatiques entrent en jeu. Les routes sinueuses et les places de parking exiguës des villes japonaises rendent les imposants SUV américains, tel le GMC Yukon de M. Fukuda, peu pratiques au quotidien. S’ajoute à cela une perception tenace, bien que probablement infondée, d’une fiabilité moindre des véhicules américains. Même si certains modèles récents ont des gabarits plus compacts, le réseau de vente et de réparation reste embryonnaire, freinant leur essor.
« Test de la boule de bowling »et autres griefs : Trump à l’offensive
Donald Trump, jamais avare de critiques, dénonce des « tricheries non tarifaires » orchestrées par le Japon pour écarter les constructeurs américains. Parmi ces obstacles, il pointe du doigt des normes techniques de sécurité particulièrement contraignantes, évoquant notamment un fameux « test de la boule de bowling ».
L’idée, lancée par l’ancien président sur son réseau Truth Social, d’une boule de bowling lâchée sur le capot pour évaluer la conformité d’un véhicule, a été formellement démentie par un responsable du ministère japonais des Transports. Ce dernier évoque une confusion possible avec un test d’impact simulant une tête humaine.
Pourtant, dans le contexte de négociations commerciales tendues, Tokyo pourrait être amené à faire des concessions. L’assouplissement des procédures d’importation, notamment via un élargissement de l’accès à un processus de contrôle simplifié, pourrait être une carte à jouer pour apaiser les tensions avec Washington.
Préjugés tenaces et virage à droite timide : l’Amérique à la reconquête
Malgré d’éventuelles avancées réglementaires, les constructeurs américains devront s’attaquer à des préjugés bien ancrés dans l’esprit des consommateurs japonais. « Ma Toyota n’a rien d’exceptionnel, mais au moins, elle ne tombe jamais en panne », lâche avec un sourire Hisashi Uchida, employé dans le secteur de la construction.
L’appétit vorace en carburant et les difficultés de stationnement dans les parkings à étages sont d’autres freins majeurs. Seule éclaircie dans ce paysage morose, Jeep (groupe Stellantis) parvient à tirer son épingle du jeu avec des ventes honorables. Mais dans l’ensemble, Masamitsu Misawa, rédacteur en chef du magazine japonais Car Top, estime que « les constructeurs américains ne considèrent pas le marché japonais comme une priorité, car il est bien plus petit que leur marché domestique ».
À l’inverse, les marques allemandes ont su prospérer en proposant une gamme diversifiée et des modèles « mieux adaptés aux goûts des Japonais », sans oublier un détail crucial : le volant à droite, indispensable dans un pays où l’on roule à gauche.
Un changement de mentalité semble toutefois s’amorcer. La nouvelle Chevrolet Corvette, commercialisée au Japon, propose pour la première fois un volant à droite. Un signe encourageant, qui témoigne peut-être d’une volonté renouvelée des constructeurs américains de séduire enfin le cœur (et les routes) des automobilistes japonais.
(Avec AFP)
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