À l’Assemblée, les débats ont été houleux mercredi. Tant sur le renforcement du soutien à l’Ukraine que sur la construction d’une Europe de la défense, les divisions sont apparues nettement. La résolution, qui appelle l’UE, l’Otan et « les autres pays alliés » à « poursuivre et accroître leur soutien politique, économique et militaire à l’Ukraine », a été adoptée par 288 voix contre 54, avec le soutien des macronistes, socialistes, écologistes et des partis de droite Les Républicains et Horizons. La France insoumise (LFI) et des députés communistes ont voté contre. Le Rassemblement national (RN) s’est, lui, abstenu.
Les députés ont aussi amendé le texte pour inviter l’UE à « bâtir une défense européenne indépendante ». Mais c’est la question des avoirs russes qui a dominé les discussions, alors que les appels se multiplient en Europe pour leur saisie. Le texte final « exhorte l’Union européenne et ses États membres à procéder sans délai à la saisie des avoirs russes gelés et immobilisés, (…) afin de financer le soutien militaire à l’Ukraine et sa reconstruction. »
Des députés LFI et RN s’y sont opposés, estimant qu’une telle mesure violerait le droit international. À l’inverse, pour Laurent Mazaury (Liot), rapporteur du texte, le « droit coutumier » autorise l’usage de ces avoirs dès lors qu’ils sont exclusivement consacrés à la reconstruction de l’Ukraine et à son effort de guerre. Les intérêts générés par ces fonds sont d’ailleurs déjà utilisés pour aider Kiev.
Le gouvernement« ni favorable »,« ni défavorable »à la saisie des avoirs
Le gouvernement, lui, reste prudent. « La saisie totale du principal de ces avoirs pose des questions juridiques » et créerait « un précédent économique pour les investisseurs étrangers », a prévenu le ministre chargé de l’Europe, Benjamin Haddad. « Cela étant dit, (…) c’est un levier dont nous disposons dans le rapport de force et dans la négociation avec la Russie », a-t-il ajouté, sans s’opposer à l’amendement, tout en émettant un « avis de sagesse », ni favorable ni défavorable.
« Quoi qu’on pense de l’action de la Russie en Ukraine, il n’est pas dans les traditions internationales de saisir les avoirs des banques centrales », a pu dire mardi le ministre de l’Économie à l’issue d’une réunion à Bruxelles avec ses homologues de l’Union européenne.
« Dans le cadre du droit européen, il n’y a pas de raison d’opérer la saisie des avoirs russes s’il y avait une saisie sans motif juridique, sur la stabilité financière européenne cela pourrait poser un risque. »
Points de friction
Le député socialiste Thierry Sother s’est félicité du « chemin » parcouru « collectivement » sur la question et a dénoncé des « patriotes de pacotille » qui « disent, la main sur le cœur, oui, nous soutenons l’Ukraine, mais dès qu’il faut agir, ils ne sont plus là ». LFI et le RN ont quant à eux fustigé un texte belliciste. « Il nourrit les hostilités et porte en lui les germes d’une nouvelle guerre », a accusé la députée insoumise Sophia Chikirou.
« Lorsqu’on vote la guerre, il faut être capable d’aller la mener. Vous avez des suppléants ? Démissionnez quand nous rentrons en guerre et allez au front », a lancé le député RN Marc de Fleurian.
« Nous voulons une Union européenne forte, justement pour stopper la guerre et défendre l’Ukraine », a rétorqué Patrick Mignola, ministre des Relations avec le Parlement. Marine Le Pen avait fait savoir mardi qu’elle s’opposait à la résolution en raison d’un alinéa sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Le texte final invite l’Union européenne à « accompagner le processus d’adhésion ».
Autre point de friction : l’importation de gaz russe par les pays européens, que la résolution appelle à « stopper », ainsi que la présence éventuelle de soldats français en Ukraine en cas d’accord de paix. Le texte final « encourage le gouvernement français et ses partenaires européens à étudier l’éventualité d’un déploiement de forces européennes de maintien de la paix en Ukraine ». Si cette résolution reste avant tout symbolique, les députés espèrent qu’elle leur permettra de peser sur la ligne du gouvernement.
(Avec AFP)
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