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Agression
Par Thomas Rabino
Publié le
Si les circonstances de ce fait divers qui s’est produit devant le lycée Cézanne à Aix-en-Provence renvoient à première vue à une attaque à l’arme blanche, le profil de l’assaillant, un marginal vivant dans un bois et moqué par un groupe de lycéens, laisse entrevoir un autre scénario. Police et gendarmerie le recherchent activement.
Ce vendredi 21 mars, devant le lycée Paul Cézanne d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), à quelques encablures du centre-ville. Il était environ 12 h 50 quand un individu âgé d’une vingtaine d’années, a sorti d’un sac à dos porté sur le torse ce qui ressemble à une machette. Il s’est alors lancé à la poursuite d’un groupe de lycéens, passant devant d’autres sans les voir, au milieu des cris de panique. Affolés, certains ados ont sauté par-dessus le portail du lycée, rapidement ouvert par la direction de l’établissement afin d’accueillir les élèves, pour ensuite les y confiner.
Quelques minutes plus tard, plusieurs patrouilles de police arrivaient sur les lieux, renforcés par des effectifs de gendarmerie. Pendant que les boucles WhatsApp de parents d’élèves relayaient des rumeurs de plus en plus folles évoquant l’hypothèse d’une attaque terroriste, une chasse à l’homme s’enclenchait, toujours en cours à l’heure où nous publions ces lignes. Au premier abord, la séquence, filmée de surcroît, a de quoi alimenter les chaînes d’information : une nouvelle attaque à l’arme blanche, fût-elle dénuée de victime, cette fois dans un paisible quartier d’une ville de province ? Pas sûr du tout.
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« Il vaut mieux ne pas trop se fier à ce qu’on voit », nous souffle un proche de l’enquête. On l’a dit, la vidéo de la scène, opportunément filmée par une personne se situant sur le trottoir d’en face, montre surtout que l’assaillant en veut à un groupe précis de trois ou quatre jeunes hommes. Pourquoi ? « Ce serait des jeunes qui allaient emmerder un marginal un peu débile qui vit dans le bois tout proche, et il aurait pété les plombs », ajoute une source policière. Ce bois, dit « de la Cortésine », d’une modeste surface de 0,2 km2, est un havre de verdure jouxtant le lycée Cézanne. Sur une clairière qui le borde, un SDF a planté sa tente. À l’intérieur du bois, se dressent quelques bâtisses menaçant ruine. C’est là que l’individu activement recherché squatterait avec son frère… depuis plusieurs années. Plus étonnant encore, ce personnage vivant dans un petit parc urbain n’en serait pas à son coup d’essai.
Selon plusieurs témoins interrogés par Marianne, celui qu’on appelle désormais « l’homme à la machette » aurait déjà poursuivi des lycéens il y a trois mois. Le vigile du supermarché tout proche raconte : « J’ai vu des jeunes en panique entrer dans le magasin. Et j’ai vu ensuite un type, le même que sur la vidéo filmée aujourd’hui, qui remontait la rue, armé d’une espèce de faux, ou de serpe. Le genre de truc pour couper les blés… Je suis allé vers lui. Il avait l’air dérangé, halluciné. Il m’a dit qu’il allait me crever si je n’arrêtais pas de le suivre et j’ai vu qu’il y avait aussi un couteau dans son sac ouvert. J’ai essayé de le calmer, des gens qui attendaient le bus appelaient la police… Le type a pris la direction du bois, il n’arrêtait pas de me menacer. Tout à coup, il est parti en courant. Je suis retourné à mon poste. »
Branle-bas de combat
Quelques heures plus tard, notre témoin était interrogé par des policiers sur son lieu de travail. Selon nos informations, les enquêteurs connaissaient déjà l’identité du suspect. Et pour cause : « Près de deux ans plus tôt, des jeunes qui faisaient de l’urbex [exploration urbaine, N.D.L.R.] ont visité une maison abandonnée dans le bois de la Cortésine, nous explique un proche du dossier. Ils sont tombés sur un type qui les a chassés avec une machette. Ils ont prévenu la police mais ils n’ont pas souhaité porter plainte. L’affaire a été classée sans suite. »
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Une récurrence de faits commis par un « homme à la machette » connu dans le quartier, ce qui expliquerait le zoom effectué par le lycéen qui a filmé la scène du 21 mars avant même le début de la poursuite. « C’est une histoire un peu en bois, nous souffle un policier. C’est pas terro, c’est pas une affaire d’État non plus. Le type est un peu fada, il aurait voulu faire peur à des gamins et il n’a pas fait de blessé, on va le serrer. » Il ajoute : « Maintenant, on parle quand même d’un gars qui se pointe devant un lycée avec une machette. Ça aurait pu être un carnage s’il avait été encore plus fou que ce qu’il est. »
Il semblerait que « l’homme à la machette » ait, malgré les faits survenus il y a respectivement deux ans et trois mois, rapidement recouvré sa liberté. « Il y a deux ans, on ne pouvait pas prouver qu’il avait fait autre chose que de courir après des jeunes venus le déranger dans son squat, ajoute un autre policier. On n’a pas non plus pu prouver qu’il était armé. » Quid de l’incident survenu il y a trois mois ? « C’est du même ordre, le principal témoin [le vigile de supermarché, N.D.L.R.] n’a pas non plus souhaité porter plainte. »
Dangereux ou pas, l’homme du bois a provoqué un branle-bas de combat des plus rares à Aix-en-Provence : un véhicule de gendarmerie est resté en faction devant le lycée, tandis que d’autres patrouillent dans le secteur, passé au peigne fin. « Des équipages de la BAC sont aussi mobilisés, précise un policier. On l’a sur la vidéosurveillance, ça va aller vite. »
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne