Les sélections nationales de Tahiti et de la Nouvelle-Calédonie s’affrontent dans la nuit de jeudi à vendredi à Wellington, en demi-finale des éliminatoires de la Coupe du monde 2026 dans la zone Océanie. Un beau duel entre deux collectivités françaises ultramarines qui se trouvent à seulement deux victoires d’une qualification historique pour la compétition internationale.
A presque 19.000 kilomètres de Paris et la métropole, c’est un véritable bout de France qui va tenter de faire un pas de plus vers la Coupe du monde 2026. Si les Bleus de Didier Deschamps n’ont pas encore lancé leur campagne de qualification, Tahiti et la Nouvelle-Calédonie se retrouvent potentiellement à deux matchs d’un billet pour la compétition de la Fifa. Les deux territoires ultramarins, respectivement collectivité d’outre-mer et collectivité d’outre-mer sui generis, possèdent leurs propres équipes nationales de football.
Et ça tombe bien puisque les Toa Aito tahitiens et les Cagous calédoniens s’affrontent vendredi (3h du matin, heure de Paris) en demi-finale des éliminatoires de la zone Océanie à Wellington (Nouvelle-Zélande). Le vainqueur défiera dimanche soit les Kiwis soit la sélection des Fidji. Mais si une victoire en finale offrirait un billet pour le Mondial, une défaite enverrait Tahiti ou la Nouvelle-Calédonie vers les barrages intercontinentaux.
“Les Polynésiens n’avaient pas pris conscience qu’ils avaient la possibilité de pouvoir faire une Coupe du Monde”
Assez méconnu en France, le football ultramarin profite ces dernières années de l’exposition due à la participation de certaines sélections à des tournois continentaux comme la Guadeloupe et la Martinique lors de la Gold Cup 2023. Pour ce qui est de Tahiti, hormis la légende locale passée par Nantes et Nice Marama Vahirua et une participation à la Coupe des confédérations en 2013, les performances de l’équipe restent assez méconnues du grand public en métropole. Alors que sur place, le foot prend une importance croissante.
“Le football a une bonne importance, même si nous ne sommes pas beaucoup de licenciés. Mais enfin, sur la zone Océanie, c’est vrai que le football est très populaire”, confirme le sélectionneur tahitien Samuel Garcia au micro de RMC Sport. “On va prendre tous les pays d’Océanie, le Vanuatu, Salomon, la Nouvelle-Zélande, Tahiti, Papouasie-Nouvelle-Guinée. C’est vrai que c’est assez populaire même si on est marqué rugby dans notre région, mais les gens sont fans de football.”
Un constat partagé par Lionel Charbonnier, proche du coach des Toa Aito et lui-même ancien sélectionneur de Tahiti en 2008 et 2009: “Le football a pris beaucoup plus d’importance depuis mon passage parce que tout simplement les Polynésiens n’avaient pas pris conscience qu’ils avaient la possibilité de pouvoir faire une Coupe du monde.”
Des liens forts entre fédés ultramarines et la FFF
Nommé à l’époque sur les conseils de Sepp Blatter, alors patron de la Fifa, pour développer le football à Tahiti et contribuer à l’essor de la discipline en Océanie, Lionel Charbonnier reconnait volontiers que la tâche avait été “très, très compliquée”. Y compris pour des questions techniques, puisque le football n’était pas vraiment dans les mœurs locales. Et si sur le papier, les formations ultramarines semblent avantagées avec moins d’équipe en lice pour les qualifications du Mondial, la réalité sur place est moins rose.
“Les gens disent oui mais non, c’est différent, c’est plus facile l’Océanie que l’Europe et tout ça, c’est plus facile. Si on remet tout ça à l’échelle, c’est très très compliqué. Imaginez que le football, lorsque je suis arrivé à Tahiti, le football tahitien c’était un budget, le budget du district de la Vienne”, se remémore encore Lionel Charbonnier. “J’avais le budget du district de la Vienne pour faire du football d’élite et se qualifier en Coupe du Monde dans un territoire qui est plus grand que l’Europe. Donc imaginez la complexité d’organiser un football d’élite et un football de masse là-dedans.”
• Nouvelle Calédonie-Tahiti le 21 mars (3h, heure de Paris) à Wellington
• Nouvelle Zélande-Fidji le 21 mars (7h, heure de Paris) à Wellington
• Finale le 24 mars (7h, heure de Paris) à Auckland
Heureusement pour Tahiti comme pour la Nouvelle-Calédonie, malgré l’existence de fédérations indépendantes et autonomes, les liens avec la FFF sont restés importants. Avant son passage, Lionel Charbonnier a rappelé que la DTN française avait régulièrement envoyé des techniciens pour aider le football tahitien à se développer. Un lien toujours existant comme l’explique volontiers Samuel Garcia.
“Il y a quand même une convention avec la FFF. Donc la ‘3F’ permet à la Fédération tahitienne d’obtenir des cadres, de gérer la formation”, détaille le sélectionneur tahitien. “Au niveau de l’encadrement du football de masse, il y a un soutien considérable de la ‘3F’ et avec la FIFA aussi, avec leurs programmes, notamment le programme TDS (Programme de développement des talents, ndlr).”
“Il y a de très bonnes relations entre les fédérations, nos fédérations, que ce soit la fédération calédonienne ou la fédération tahitienne de football avec la FFF.”
Tahiti contre la Nouvelle-Calédonie, une saine rivalité et “une belle demi-finale des pays d’outre-mer”
Adversaires ce vendredi, Tahiti et la Nouvelle-Calédonie restent pourtant très proches. Au-delà de leur rapport commun à la France, les deux collectivités d’outre-mer s’affrontent régulièrement sur les terrains de football. Mais toujours dans une bonne ambiance.
“Il y a beaucoup de joueurs calédoniens qui viennent jouer à Tahiti. On a des relations constantes, même si on est séparés de cinq heures de vol. Il y a beaucoup d’affinités”, se félicite Samuel Garcia auprès de RMC Sport. “C’est une histoire… L’histoire fait que nous sommes très proches, l’histoire du football océanien. Donc il y a beaucoup de respect entre les deux sélections, entre les joueurs. Après, ça sera un match pour une finale donc c’est toujours des matchs âpres, compliqués et dans un environnement où on joue très peu. Vraiment sur un super stade à Wellington, donc ça va être une belle demi-finale. Une belle demi-finale des pays d’outre-mer on va dire, dans notre zone.”
Lionel Charbonnier confirme son impatience à l’idée d’observer ce choc entre deux sélections amies mais rivales ce vendredi.
“Au niveau football, la Calédonie reste un très très grand, entre guillemets, pays du football océanien. Ils ont des joueurs très rapides, une bonne formation. On aime le football. On aime plus le football en Calédonie qu’à Tahiti”, analyse l’ancien gardien de l’équipe de France. “À Tahiti, moi, lorsque je suis arrivé, mes joueurs, c’était presque des poissons. Le sport national là-bas c’est le Vaʻa. […] Et donc il a fallu leur faire prendre conscience que les Tahitiens étaient capables de rivaliser même au football et de battre la Calédonie.”
Visiblement l’idée a fait son chemin et Tahiti rêve très clairement d’une qualification pour la finale des éliminatoires de la zone Océanie, selon l’ex-joueur de France 1998: “Samuel García continue de travailler, de mettre en place des choses, d’ailleurs il m’a même dit tout à l’heure: ‘on va gagner contre la Calédonie t’inquiète pas, parce qu’on a remis les coups de pieds arrêtés que tu avais mis en place avec les U20’. Et ça avait marché quand on était sortis invaincus de cette compétition.”
Tahiti et la Nouvelle-Calédonie aux portes d’un “exploit monumental”
Priorité au match de ce vendredi, à cette demi-finale entre les deux collectivités françaises. Mais impossible de ne pas penser à la suite. Quel qu’il soit, le vainqueur se retrouvera à un match d’une qualification pour la Coupe du monde 2026. Si un exploit des Fidji reste possible, la Nouvelle-Zélande sera l’immense favorite de ce Final Four qu’elle dispute à la maison.
“Pouvoir faire une première Coupe du Monde Senior, oui, ça serait un exploit monumental. Maintenant, la donne a changé. Il y a beaucoup plus d’équipes qui sont qualifiées, donc l’exploit devient moins important”, note encore Lionel Charbonnier. “Mais par contre, être à deux matchs, c’est quand même quelque chose d’extraordinaire.”
Et le sélectionneur tahitien, Samuel Garcia, de lui emboîter le pas sur l’idée cette opportunité fantastique à venir: “L’ouverture à plus de nations nous facilite la tâche parce que maintenant on a une place et demie donc il y a beaucoup plus d’opportunités pour nous. Après on sait qui nous sommes, on ne se compare pas au football européen. Mais pour des petits pays d’outre-mer comme la Calédonie ou comme Tahiti, c’est quelque chose d’exceptionnel de pouvoir, au minimum, jouer des barrages intercontinentaux. Parce qu’après, de parler de la Coupe du Monde, il y a encore du chemin, il y a déjà un match de vendredi, parce qu’il faut passer par le match de vendredi et c’est vraiment lui le plus important.”
Profiter de l’instant présent et tout faire pour prolonger la belle aventure avant, qui sait, de signer une des plus belles épopées du football océanien. Surtout, ce vendredi, Tahitiens et Calédoniens voudront s’offrir le droit de rêver lors d’une finale et d’un éventuel exploit, synonyme de Mondial, contre l’ogre néo-zélandais.