À près d’un an de la fin du mandat de Jerome Powell à la tête de la Réserve fédérale, Donald Trump a indiqué qu’il pourrait prochainement désigner son successeur, une démarche inhabituelle susceptible de raviver l’incertitude sur les marchés financiers.
Le mandat de Powell s’achève en mai 2026, mais le candidat républicain, actuellement en campagne pour un retour à la Maison Blanche, envisage déjà une transition à la tête de la Fed. Cette perspective suscite l’inquiétude des investisseurs, dans un contexte où la banque centrale américaine maintient ses taux dans une fourchette de 4,25 % à 4,50 % depuis la baisse opérée en décembre 2024 – une politique monétaire que Trump critique régulièrement, appelant à des coûts d’emprunt plus faibles.
Bien que l’ancien président ait renoncé à l’idée de limoger Powell avant la fin de son mandat, il a récemment affirmé qu’une décision concernant son successeur serait annoncée « prochainement ».
Un signal déstabilisant pour les marchés
La perspective d’une désignation anticipée d’un futur président de la Fed – qualifié de « président fantôme » par certains analystes – soulève le spectre d’un double commandement à la tête de l’institution, avec des risques de cacophonie sur la politique monétaire. « Vous aurez deux capitaines pour un même navire », résume Ryan Sweet, chef économiste chez Oxford Economics.
Wall Street redoute que le choix de Trump ne réponde à des logiques politiques plutôt qu’économiques. « L’indépendance de la Fed est la règle d’or des marchés », rappelle Callie Cox, stratégiste chez Ritholtz Wealth Management. Tout affaiblissement perçu de cette indépendance risquerait de compromettre la crédibilité de la banque centrale.
Eric Winograd, chef économiste pour les États-Unis chez AllianceBernstein, insiste sur l’importance de la neutralité du futur président : « Ce qui compte, c’est de savoir si le candidat est perçu comme soumis aux désirs du président. »
Une short list aux profils controversés
Les plateformes de paris en ligne Polymarket et Kalshi identifient plusieurs prétendants potentiels à la succession de Powell : Kevin Hassett, ex-conseiller économique de la Maison Blanche, Kevin Warsh, ancien gouverneur de la Fed, Judy Shelton, connue pour ses vues non conventionnelles, ainsi que l’actuel gouverneur Christopher Waller.
La Maison Blanche s’est abstenue de tout commentaire, tandis que Judy Shelton a renvoyé vers une tribune récente dans le Wall Street Journal. Kevin Warsh n’a pas répondu aux sollicitations des médias.
Certaines voix au sein de l’industrie financière estiment toutefois que le futur nominé pourrait être une figure encore peu médiatisée. « Si je devais parier, je miserais sur un outsider », avance Winograd.
Entre volonté politique et prudence institutionnelle
Trump, qui avait lui-même nommé Powell en 2018 avant d’entrer en conflit avec lui, continue de réclamer une politique monétaire plus accommodante. Il a récemment qualifié Powell d’ « idiot », tout en assurant ne pas vouloir le révoquer avant la fin de son mandat.
Jason Draho, responsable de la stratégie d’allocation d’actifs chez UBS, souligne le risque d’une nomination perçue comme partisane : « Un choix non conventionnel ajouterait de l’imprévisibilité à un moment où les marchés cherchent de la stabilité. »
L’éventuelle nomination devra de toute façon être confirmée par le Sénat, un processus qui pourrait s’étaler sur plusieurs mois.
Obligations et rendement sous surveillance
Les analystes surveillent de près la réaction des marchés obligataires. Pour Felix Vezina-Poirier, de BCA Research, « l’absence de réaction ou une baisse des rendements à long terme pourrait signifier que le marché digère bien le choix ». Une volatilité accrue, en revanche, signalerait des doutes sur l’indépendance ou les compétences du successeur annoncé.
Même si certains investisseurs jugent improbable une nomination imminente, le simple fait que Trump en évoque l’idée place les marchés dans une posture d’attente. Dans un contexte de reprise économique fragile et d’inflation persistante, la Fed reste plus que jamais un pilier stratégique. Sa future direction pourrait bien redéfinir le cap monétaire des prochaines années.
(avec Reuters)
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La Tribune