Philanthropes, ONG, banques de développement comme entreprises privées ont certes rappelé le « mur d’investissement » qui se dresse face à eux, cependant le Blue Economy and Finance Forum qui s’est tenu à Monaco en marge de la Conférence des Nations-Unies pour l’océan a surtout été l’occasion de prendre des engagements. Un « side event » comme on dit dans le jargon événementiel mais qui était central, tant le besoin en financement est gigantesque.
Car les segments à financer sont nombreux, depuis l’électrification à quai des bateaux en passant par la restauration des écosystèmes marins et par la très regardée décarbonation du transport maritime. Sur ce point, la recherche sur les carburants moins polluants, celle sur la meilleure aérodynamique, sur les matériaux respectueux de l’océan… sont consommatrices de moyens financiers. D’autant que parfois, aucune technologie ni solution, à l’instar de ce qu’il se passe pour le carburant, ne se détache, obligeant à une R&D continue, fortement consommatrice de monnaie sonnante et trébuchante.
Près de 10 milliards d’euros engagés
A Monaco, 25 milliards d’euros ont été identifiés comme étant déjà orientés vers des projets de transition océanique. Mais ce n’est pas suffisant et de nouveaux engagements ont été pris, d’une part par les investisseurs privés et les philanthropes à hauteur de 4,7 milliards d’euros, d’autre part par les institutions publiques pour 4 autres milliards.
Si les philanthropes ont souvent été les premiers à apporter leur contribution aux projets relevant de l’économie bleue, l’attention forte est portée désormais sur la sphère privée, c’est-à-dire sur les entreprises et sur le rôle qu’elles peuvent jouer en soutenant financièrement les solutions innovantes. A Monaco, le « Business is Ocean » a ainsi été signé par 80 entreprises, de différentes nationalités. Ce texte notifie notamment l’engagement à intégrer les risques et les opportunités liées à l’océan dans les stratégies, soit une façon d’inviter à revoir les business modèles. Annoncée aussi, la création d’une alliance commune réunissant les philanthropes et les investisseurs, le but étant le soutien au déploiement de solutions dans les pays du Sud.
La science comme socle
Ce besoin de financement envers l’économie bleue, Swen Capital Partners l’a observé dès 2018. « A ce moment-là, aucun fonds de capital-risque dans le monde n’était dédié à la régénération de la biodiversité dans l’océan. Nous nous sommes lancés et avons construit un pipe-line d’investisseurs », raconte Olivier Raybaud, co-directeur du fonds Blue Ocean, lancé en 2021, avec une capacité initiale souhaitée de 120 millions d’euros. Finalement, « nous avons levé 170 millions d’euros ». Dans le portefeuille, une vingtaine de sociétés, avec comme socle la contribution de ces sociétés à la régénération de la biodiversité de l’océan. « Pour identifier les solutions, nous sommes partis de la science, de quels sont les facteurs qui menacent cette biodiversité. Nous avons retenu 3 des 5 facteurs de pression identifiés par l’IPBES (plateforme intergouvernementale sur la biodiversité, NDLR), à savoir la surexploitation marine, la pollution chimique et les solutions aux changements climatiques », poursuit Olivier Raybaud. Les investissements consentis l’ont été dans des solutions très diverses, concernant les matériaux, les produits de beauté et, bien sûr, la décarbonation du transport maritime. « Nous avons regardé de nombreux projets dans le textile mais nous n’avons pas encore enclenché de démarche d’accompagnement », indique le co-directeur de Blue Ocean, alors que la loi anti fast-fashion est à l’ordre du jour du Sénat en France.
La politique de Trump sans effet
La politique anti-climat de Donald Trump a-t-elle créé un impact sur les décisions d’investissements ? « Nous n’avons pas remarqué de ralentissement de la dynamique », affirme Olivier Raybayd. « Souvent, lorsqu’on revient en arrière sur un sujet, c’est qu’aucune alternative n’a été trouvée ».
A Monaco, Swen Capital Partners a annoncé le lancement de son deuxième véhicule, doté de 300 millions d’euros, avec un ticket unitaire pouvant aller jusqu’à 12 millions d’euros. France 2030, la Macif, Bpifrance, la Matmut, qui avaient déjà abondé le premier véhicule, poursuivent l’aventure. « Nous poursuivons une stratégie qui fonctionne très bien. Nous intervenons sur des stades de maturité de série A, donc avec une technologie prouvée et une traction de marché démontrée ».
