Jean-Marc Barrere / Hans Lucas
Tribune
Par Vincent Lautard
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Alors que le gouvernement Macron avait promis, en 2022, de réformer le dispositif de Validation des Acquis de L’Expérience (VAE), celui-ci s’effondre, par manque de crédits, regrette Vincent Lautard, Infirmier et juriste en droit de la santé, consultant dans le secteur sanitaire et social.
C’était une grande promesse du gouvernement Macron en 2022 : réformer en profondeur le dispositif de reconnaissance des diplômes par l’expérience, pour permettre de déclencher 100 000 parcours de VAE (Validation des acquis de l’expérience) par an d’ici à la fin du quinquennat.
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Cela permettrait de stimuler l’emploi et d’apporter plus de sécurité et de reconnaissance pour de nombreux professionnels. Mais alors que le dispositif avait été lancé en 2023, tout s’est effondré courant 2024, laissant des milliers de candidats à la VAE et des centaines d’organismes de formation dans le désarroi le plus total.
L’État décide de soutenir financièrement le dispositif
Le dispositif de la VAE existe depuis vingt ans environ. Comme l’indique le ministère de l’Éducation nationale, il « permet à toute personne, quels que soient son âge, son niveau d’études ou son statut, de faire valider les acquis de son expérience pour obtenir en totalité ou en partie, un diplôme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle ».
En 2022, à la suite d’un rapport commandé par plusieurs ministères en 2019, le gouvernement Macron décide de modifier en profondeur le dispositif de VAE. En 2023, un service public de la VAE est créé ainsi qu’un portail numérique intitulé « France VAE ». Alors que jusqu’alors, l’accompagnement à la VAE pouvait être financé notamment via le CPF (Compte personnel de formation), l’État décide de financer l’ensemble des accompagnements à la VAE des professionnels qui seraient éligibles à l’obtention d’une certification, via leur inscription sur la plateforme France VAE.
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Cela concernerait d’abord les salariés du secteur privé puis les agents du service public. Sur cette plateforme, les candidats à la VAE pouvaient demander des accompagnements de plusieurs dizaines d’heures, pour se préparer aux jurys d’obtention de diplômes dans les filières de la métallurgie, de la grande distribution, de la santé et du social, du sport, et également des certifications rattachées à des métiers transverses (commerce, vente, gestion comptable, marketing, management…).
Ils y avaient accès à 209 certifications : des diplômes d’État, des titres professionnels, des CAP, des bacs professionnels, des BTS, des licences ou encore des masters (formation niveau bac + 5). Via cette plateforme, les candidats à la VAE sont mis en relation avec des organismes de formations habilités à gérer les accompagnements à la VAE. Ces organismes sont par la suite, payés par l’État par rapport à leur accompagnement et sur des tarifs édictés par France VAE.
C’était une vraie révolution, car de nombreuses personnes qui n’avaient pas d’argent ou pas assez d’argent sur leur CPF, pouvaient donc voir leur accompagnement à la VAE être quand même financé en totalité et donc pouvoir aller vers l’obtention d’un diplôme.
Dispositif coûteux
Ce financement était même inscrit dans la loi. Mais cette prise de position de l’État interroge. De nombreux experts du secteur et des organismes de formation se demandent ou l’État va trouver l’argent. Le financement de plus de 100 000 parcours de VAE par an pourrait coûter plus de 250 millions d’euros à l’État par an. De plus, France VAE oblige les organismes de formations à instruire tous les dossiers de candidats même ceux qui n’avaient pas l’expérience adéquate pour l’obtention du diplôme demandé.
Ce qui a créé un appel d’air important et a augmenté le coût du dispositif. Autres problèmes majeurs : avec l’augmentation conséquente du nombre de demandes de VAE, il faudra que les certificateurs (notamment l’État) puissent organiser beaucoup plus de jurys pour valider ou non les diplômes et cela dans un court laps de temps. Mais face aux différentes alertes et craintes sur l’organisation et le financement du dispositif, sur le second semestre 2023, les équipes de France VAE rassurent tout le monde en expliquant que les budgets sont là, que tout sera financé et que les jurys pourraient avoir lieu en temps et en heure. Sauf que l’avenir leur donnera tort.
Alors que des dizaines de milliers d’accompagnements avaient débuté, gérés par des centaines d’organismes de formations en France, depuis plusieurs mois, les premiers signes de fort ralentissement apparaissent. Début juin 2024, France VAE, décide, du jour au lendemain, de fermer sa plateforme alors qu’au moins 400 centres de formations n’avaient pas été payés depuis plusieurs mois. Mais le ministère chargé de l’Enseignement et de la Formation professionnelle se veut rassurant, la fermeture temporaire de la plateforme serait due à son succès, il y aurait trop de demandes. Des ajustements techniques doivent être effectués avant sa réouverture.
Les caisses sont vides
Coup de théâtre, le 10 juillet 2024, la plateforme réouvre, mais de nombreux accompagnements à la VAE ne sont plus accessibles. Par manque de fonds, France VAE annonce abandonner le financement de tous les accompagnements à la VAE sauf ceux qui concernent le secteur du soin (24 diplômes de la filière sanitaire et social comme le diplôme d’État d’aide-soignant par exemple). Cela met en très grande difficulté de nombreux organismes de formations et candidats à la VAE. De plus, pour de nombreuses certifications, le nombre de places en jury n’a pas assez augmenté, cela était prévisible et ralentit grandement le processus. Mais cela ne s’arrête pas là, en pleines vacances scolaires d’octobre 2024, France VAE s’effondre complètement et décide de ne plus rien financer, même les VAE en lien avec le secteur de la santé. C’est la stupéfaction générale. France VAE n’a plus d’argent.
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Les caisses sont vides. On aura pu assister en quelques mois à la création et au crash d’un service public. Au final, France VAE devient une coquille vide, aucun nouveau budget n’est prévu pour courant 2025 et les dispositifs de financement reviennent vers d’autres sources de financement (comme le CPF) plus restreintes ou plus difficilement accessibles que celle de France VAE. Avec l’arrêt brutal des financements et sans solutions de repli, de nombreux centres de formation sont contraints de licencier et d’autres sont au bord du dépôt de bilan et de nombreux candidats à la VAE ne peuvent plus terminer leur accompagnement et abandonnent leur projet professionnel.
Jamais un service de l’État n’aura été défaillant en si peu de temps. Le pire, dans tout cela, c’est que tout était écrit d’avance. Tous les voyants étaient au rouge dès le début du déploiement de France VAE, pourtant du côté de l’État, personne n’a voulu écouter les avertissements. L’euphorie a laissé la place à la désillusion. Ce fiasco doit tous nous alerter. Car ici, nous n’avons pas assisté ici à la liquidation d’une entreprise privée mais bien à la cessation de paiements d’un dispositif étatique en un temps record. On peut et on doit donc se poser une question qui doit tous nous inquiéter : la fiabilité de l’État ne va-t-elle devenir qu’un doux souvenir ?
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne