La Commission européenne a franchi une nouvelle étape significative ce mercredi en ouvrant la voie à une amende à l’encontre du géant chinois du commerce en ligne, Aliexpress. L’exécutif bruxellois estime, « à titre préliminaire », que la plateforme n’a pas mis en œuvre des mesures suffisantes pour gérer et atténuer les risques liés à la vente de produits illégaux ou non conformes aux normes de sécurité européennes, malgré des progrès observés. Cette décision souligne la détermination de l’Union européenne à faire respecter les dispositions du Digital Services Act (DSA) pour les très grandes plateformes en ligne.
Le gendarme du numérique dans l’UE reproche spécifiquement à Aliexpress d’avoir « enfreint son obligation d’évaluer et d’atténuer les risques liés à la diffusion de produits illégaux ». Parmi les préoccupations majeures figurent la circulation de contrefaçons, d’articles non conformes aux exigences de sécurité, et même de produits potentiellement dangereux pour la santé, tels que de faux médicaments, des compléments alimentaires ou des contenus pornographiques accessibles aux mineurs. Ces inquiétudes ont déjà conduit à l’ouverture de procédures formelles en mars 2024, AliExpress ayant été désignée comme une « très grande plateforme en ligne » (VLOP) en avril 2023, en raison de ses plus de 104 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’UE, la soumettant ainsi à des obligations renforcées du DSA.
Le DSA, pilier de la régulation numérique européenne
Le Digital Services Act, entré pleinement en vigueur pour toutes les plateformes en février 2024 (et dès août 2023 pour les très grandes plateformes en ligne, ou VLOP), représente un cadre réglementaire ambitieux. Son principe fondamental est simple : ce qui est illégal hors ligne doit l’être également en ligne. Pour les plateformes comme Aliexpress, cela implique des responsabilités accrues en matière de modération des contenus, de gestion des risques systémiques, de transparence de la publicité et des systèmes de recommandation, ainsi que de traçabilité des commerçants. L’objectif est de protéger les consommateurs européens, en particulier les plus vulnérables comme les mineurs, contre les contenus et produits illicites ou nocifs.
Les obligations du DSA vont au-delà de la simple suppression de contenu. Elles exigent des plateformes qu’elles évaluent proactivement les risques de diffusion de contenus illégaux et mettent en place des mesures d’atténuation. Cela inclut la mise en œuvre de mécanismes de signalement efficaces, une meilleure identification des vendeurs, et des efforts pour empêcher la manipulation délibérée, notamment avec des « liens cachés » qui redirigent vers des produits non conformes. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions sévères, pouvant atteindre jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise, voire une restriction temporaire de l’accès au service en cas d’infractions graves et répétées.
Implications pour les consommateurs et l’écosystème commercial
Pour les consommateurs, cette fermeté de Bruxelles est un signal fort. Elle vise à renforcer la confiance dans l’achat en ligne en garantissant que les produits disponibles sur les plateformes respectent les normes de sécurité et de conformité européennes. La prolifération de produits dangereux ou contrefaits met en péril la santé et la sécurité des utilisateurs, tout en sapant la concurrence loyale pour les entreprises européennes qui respectent scrupuleusement la réglementation. Les accusations de la Commission soulignent l’importance pour les consommateurs d’être vigilants et pour les plateformes de s’assurer de l’intégrité de leur marché.
Pour les entreprises opérant sur Aliexpress, et plus largement pour l’ensemble de l’écosystème du commerce en ligne, les implications sont majeures. Elles renforcent la nécessité d’une conformité rigoureuse avec le DSA et le Règlement sur la sécurité générale des produits (GPSR), entré pleinement en vigueur en décembre 2024. Le GPSR impose notamment aux plateformes d’afficher des informations claires sur l’identification du fabricant et de son représentant autorisé dans l’UE, ainsi que leurs coordonnées. Aliexpress a d’ailleurs indiqué avoir mis en place des mesures robustes pour aider ses vendeurs à se conformer au GPSR, exigeant des certifications CE et des détails sur les fabricants pour les produits listés dans l’UE, tout en augmentant la surveillance et en fournissant des ressources éducatives.
Cette procédure contre Aliexpress, qui fait suite à des investigations similaires contre d’autres géants du numérique, comme X et TikTok, confirme la volonté de l’UE de s’affirmer comme un régulateur mondial du numérique. L’issue de cette enquête déterminera non seulement le montant de l’amende pour Aliexpress, mais aussi la manière dont les grandes plateformes mondiales adapteront leurs pratiques pour évoluer sur le marché unique européen, marquant un tournant décisif dans la responsabilisation des acteurs du commerce en ligne.
(Avec agences)
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