Entre enjeux d’accessibilité et évolution des pratiques, les déplacements en centre-ville représentent un défi majeur pour l’attractivité et la vie urbaine. Alors que le secteur des transports est le seul dont les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas diminué au cours de vingt dernières années, de plus en plus de villes repensent leurs mobilités urbaines. Sans pour autant imposer un mode alternatif dominant entre marche, transports en commun et vélos. La question est au cœur des échanges des 19e Assises nationales des centres-villes qui se tiennent à Montpellier les 21 et 22 mai.
Une piétonisation assumée
Avec 94 000 m2 de rues piétonnes et de liaisons douces traversant de part en part le centre-ville de Dijon et un axe de 45 minutes à pied annoncé comme « le plus grand d’Europe » à Montpellier, la piétonisation n‘a cessé de gagner du terrain au cours des dernières décennies. Selon Julie Frêche, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole en charge des mobilités actives, « l’organisation urbaine n’est plus faite pour supporter le niveau de trafic lié à la croissance de la population (5 000 habitants supplémentaires chaque année dans la métropole languedocienne, NDLR). La piétonisation et l’arrivée du tramway ont été de vrais leviers d’attractivité du cœur de ville ».
Si les règles autour des ZFE (zones à faibles émissions) ont suscité la crispation des automobilistes – face à la fronde, Montpellier a d’ailleurs suspendu jusqu’en 2027 toute contravention sur les véhicules les plus polluants entrant dans la zone -, Dijon dit avoir gagné « une qualité de l’air exceptionnelle et s’être hissée sur le podium des villes françaises derrière Saint-Denis de la Réunion et Bayonne » selon Nadjoua Belhadef, l’adjointe au maire.
Gratuité, ou non, des transports
Pour répondre aux défis climatique, économique et social (28 % de taux de pauvreté à l’échelle de la métropole et 14 % à l’échelle nationale), Montpellier a fait le choix de la gratuité des transports, entraînant un augmentation de 35 % de la fréquentation depuis 2019, annonce-t-elle, mais un coût à supporter de 30 millions d’euros (5 % de son budget de fonctionnement).
De son côté, Bayonne a opté pour la mise en en place de navettes gratuites pour irriguer les différents quartiers mais elle augmente les tarifs des transports en commun lors de grands évènements : « Pendant les fêtes de Bayonne, nous passons de 54 000 habitants à un million de visiteurs, il était donc important d’avoir cette participation à l’effort communautaire », estime Sylvie Meyzenc, adjointe au maire de Bayonne.
Limiter le coût de bus électriques
Depuis 2024, la règlementation européenne impose aux constructeurs de bus de réduire les émissions de CO2 de 90 % d’ici 2030 et 100 % en 2035. Résultat : les ventes de bus électriques ont bondi. L’Allemand Daimler vient d’ailleurs d’annoncer 92 millions d’euros d’investissement dans son usine de la Meuse, tandis que l’Italien Iveco va injecter 100 millions d’euros dans des bus nouvelle génération. Reste que le coût global de détention d’une flotte peut être élevé pour certaines communes.
« Il y a de nombreux cas d’usages où le bus électrique est plus compétitif que le thermique, d’autant qu’il existe des primes simples à mettre en place et pouvant aller jusqu’à 100 000 euros en fonction de la taille de la commune et du véhicule, rappelle Nasreddine Boudjenane, expert en mobilité électrique chez EDF. Il est également possible de réduire les coûts de la maintenance et de l’avitaillement grâce au pilotage intelligent de la recharge. Nous mettons d’ailleurs en place des contrats à cinq ans pour donner une meilleure visibilité aux élus. »
Colis par tramway
Mais la décarbonation ne se réduit pas à changer de flotte de véhicules pour passer à l’électrique, comme le souligne Guy-Pierre Sachot, directeur du déploiement de la logistique urbaine groupe La Poste : « Il y a d’autres leviers tels que la réglementation sur la voierie, sur les plans de circulation ou sur l’urbanisme pour pouvoir organiser de manière optimisée la livraison à domicile ou hors domicile, par exemple la réserve de foncier. Pour cela il faut instaurer un vrai dialogue avec les élus ».
En octobre dernier, le groupe La Poste a mené une expérimentation avec la ville de Strasbourg pour acheminer, de la périphérie au centre-ville, des colis par tramway grâce à un espace réservé dans une rame aux heures de faible fréquentation. Les colis étaient récupérés par des postiers à vélo-cargo.
« L’expérience a été très concluante mais il y a matière à être encore plus performant dans cette convergence entre mobilité des personnes et des marchandises », assure Guy-Pierre Sachot.
Le concept plaît : il va être expérimenté en Espagne, en Belgique, en Allemagne et même en Asie.