Invité d’Apolline Matin sur RMC ce mardi, Daniel Riolo, éditorialiste de l’After Foot, explique pourquoi les dissolutions de groupes de supporters voulues par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, risquent d’avoir un effet contre-productif.
Le temps d’un week-end, le mouvement ultra a chanté à l’unisson. Plusieurs banderoles ont été déployées dans les tribunes en Ligue 1 et en Ligue 2 pour protester contre les mesures de dissolutions prises par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, contre plusieurs groupes de supporters en France. Cette volonté d’agir vite et fort fait bouillir les tribunes et met aussi en alerte les connaisseurs du contexte, comme la direction nationale de la lutte contre le hooliganisme (DNLH), assure Daniel Riolo, éditorialiste de l’After Foot, invité d’Apolline Matin sur RMC ce mardi.
“La DNLH trouve que c’est un peu trop direct d’entamer le débat de cette façon”
“A Saint-Etienne, on s’en prend d’abord aux deux associations de supporters (Gree Angels et Magic Fans) parce qu’on estime, ces dernières années, que c’est peut-être là qu’il y a eu le plus d’incidents”, explique Daniel Riolo. “La surprise est que Bruno Retailleau se saisisse aussi vite (du dossier). Il dit ‘on va faire le ménage dans les tribunes’ alors que la DNLH trouve que c’est un peu trop direct d’entamer le débat de cette façon.”
Le journaliste met en garde contre toute décision précipitée en pointant la responsabilité de nombreux acteurs autour de ce sujet ultra sensible. “Vouloir mettre de l’ordre sans préparer le terrain, ça va être problématique”, poursuit-il. “Vous risquez des faits de violences encore plus graves, La dissolution ne va pas empêcher les gens encartés de venir au stade. Dans une ville comme Saint-Etienne, c’est 16.000 personnes, soit un dixième de la ville. Il faut savoir ce que ça représente dans cette ville. Je ne suis pas là pour excuser ce qu’ils ont fait dans le passé. Mais il y a tellement d’hypocrisie autour de ces supporters: ce sont les dirigeants qui ne font rien quand on leur demande de faire quelque chose pour nouer le dialogue ou qui n’arrivent pas à faire en sorte que les incidents ne se produisent pas. Eux se cachent derrière la puissance publique qui ne fait pas son travail. Tout le monde se renvoie la balle depuis des années. Arrive un ministre de l’Intérieur qui n’a pas encore pris la mesure complète du programme et veut taper du poing sur la table.”
La dissolution “n’a pas empêché qu’il y ait un mort aux alentours du Parc des Princes”
Daniel Riolo pointe du doigt ce “manque de dialogue” et ironise sur la présence de dirigeants du club au défilé de soutien aux supporters de Saint-Etienne le week-end dernier. “En tête de cortège, il y avait des dirigeants stéphanois sur qui les supporters tapaient il y a deux ou trois ans. D’un coup, tout va bien, on défile ensemble. Les médias et les télés ont toujours besoin de cette animation, de ces groupes ultras, que ce soit festif en tribunes.”
Le problème revêt donc plusieurs facettes que la dissolution ne va “pas résoudre”. “Quand on a dissous les associations au Parc des Princes, ça n’a pas empêché qu’il y ait un mort un an après aux alentours du Parc des Princes (en 2010). Ça n’empêchera pas la violence sous une autre forme. Il faut repenser la façon de supporter son équipe dans un stade, c’est une évidence. Si on n’y arrive pas, il faudra alors peut-être envisager le modèle anglais qui a mis fin à toute forme de supportérisme. On a augmenté le prix des places, on a changé la sociologie dans les stades mais au moment où on traverse une crise économique très grave dans le football, si vous augmentez le prix des places dans les stades, vous allez les vider et vous allez tuer toute l’économie du football. Quand je parle de décision brutale, ce n’est pas que je suis contre mais il faut faire extrêmement attention à ce qu’on va faire.”